École publique de Saint-Didier-sous-Riverie

Le Figaro

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Françoise Lemoine

Ils ont entre 5 et 7 ans et, déjà, ces petits écoliers se piquent de philosophie. Aujourd'hui, c'est atelier philo à la petite école de Saint-Didier-sous-Riverie (63 élèves de la maternelle à la primaire), située au pied des monts du Lyonnais. Les 18 élèves du cycle 3 doivent deviser sur la phrase inscrite au tableau : « Qu'est-ce qui est vraiment important ? » Bras croisés, concentrés, sérieux, les enfants, assis derrière leur bureau, réfléchissent, dans un grand silence, puis lèvent la main pour répondre : « Pour moi, le plus important est de vivre et d’être en bonne santé », explique Magalie, d'une petite voix. « Ça dépend des gens, commente un petit garçon. Pour certains, tout semble important, pour d'autres, pas. » Une petite fille intervient à son tour : « Le plus important, c’est de manger, sinon on meurt. » Une autre reprend d'un ton très sérieux : « Pour moi, il y a plein de choses essentielles. Mais je mettrai deux choses en premier, c'est qu'on soit en bonne santé et qu'on nous aime. » Mais, pour une grande majorité, ce sont les parents qui sont jugés les plus importants : « Ils nous dorlotent, nous font à manger, répond d'une voix fluette une petite avec de longues couettes. Sans eux, nous ne pourrions pas vivre et on ne serait pas là. Surtout que je ne sais pas faire la cuisine. »

Seul contre tous, Florian réagit : « Les parents ne sont pas toujours utiles, estime le jeune garçon. On peut se débrouiller sans eux. Et, s'Ils meurent, se faire adopter. » Surpris par sa réaction, les mains se lèvent, pour intervenir : « Mais, Florian, ça doit pas être marrant d'être dans la rue, de dormir sous des cartons et de fouiller les poubelles pour manger », s'étonne Valentin. Florian insiste et précise sa pensée : « Mais le soleil c'est quand même plus important que les parents. On ne pourrait pas vivre sans lui. »

Cette discussion à bâtons rompus aura duré une demi-heure, sous l’œil du Caméscope. La semaine prochaine, les élèves commenteront leurs réactions après avoir visionné la cassette.

Tout au long des débats, le directeur, Rémi Castérès, qui filmait la séance, s'est tenu discrètement à l'écart, pour favoriser une parole spontanée. Son rôle n'est pas de juger, ni de commenter. Encore moins d'orienter les discussions : « Le but de cet atelier est de poser une question qui va amener les enfants à penser et à exprimer leurs réflexions. C'est aussi une grande leçon de tolérance. »

Pour ne pas être influence par des discussions en famille, la question du jour est connue des enfants le matin même de l'atelier : « Avant, je leur donnais la veille, mais ils se forgeaient une opinion en discutant avec leurs parents. »

A l'origine de ces séances : une institutrice en maternelle à Lyon, Agnès Pautard, un inspecteur de l'Éducation nationale, Dominique Sénore, et un psychanalyste, Jacques Lévine. « Nous ne marchons pas sur les plates-bandes des profs de philo, précise Rémi Castérès, qui a mis en place ces ateliers fin 1998. Nous essayons surtout d'amener les enfants, à penser et à exprimer leur réflexion. »

Toutefois, une question, n'a pas fait l’unanimité : « Pourquoi on meurt ? » Les enfants, très embarrassés, n'ont pas osé répondre: « C'était trop dur pour eux, admet le directeur. La séparation, l'abandon, sont des idées qui bouleversent les enfants. » Depuis, les thèmes sont débattus avec les élèves : « Mais je mets en garde les instituteurs de ne pas prendre une question qui pourrait être utilisée pour régler un problème. »

Il n'y a pas d'âge pour « philosopher » dans cette école. Les bambins de maternelle s'y mettent aussi. Ce jour-là, les enfants de 4-5 ans devaient répondre à la question : « Pourquoi on est à la fois méchant et gentil ? » Mais là le verbe est plus hésitant et la ré­férence aux Pokémon revient à tout bout champ...

 

La journaliste et le photographe du Figaro discutent avec d'anciens élèves, revenus à l'école pendant les vacances des collèges.

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