École publique de Saint-Didier-sous-Riverie

Le Progrès

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Une école pas vraiment comme les autres 

Muriel Florin

À l'école publique de Saint-Didier-sous-Riverie, il y a des maîtres, des élèves, des gommes et des crayons. Mais surtout pas de notes, et donc pas de premier de la classe... Et puis, un jeudi par mois, un drôle de marché des connaissances qui ravit les enfants. Voyage dans une école pas ordinaire, où la motivation des élèves a largement pris le pas sur l'obligation d'apprendre.

Dans le bureau du directeur, Adrien montre à Tom comment jouer le début de « au clair de la lune ». À côté, chez les moyens, Florian indique à Déborah comment dessiner une coccinelle avec un compas. Et dans la classe des plus grands, la maman de Maud compose un petit poème avec l'aide de Rémi Castérès, le directeur de l'école publique de Saint-Didier-sous-Riverie, petite commune des coteaux sud des Monts du Lyonnais. Une école pas tout à fait comme les autres. Par exemple, cet après-midi, c'est « marché des connaissances ». Quelques élèves et enseignants ont monté une dizaine de stands. En face, les « clients » piaffent d'impatience, bien déterminés à acquérir les brevets délivrés par les « marchands » quand ceux-ci jugent qu'ils ont su faire l'activité proposée. Dans le calme, sans aucune contestation, les enfants se déplacent librement.

   Mensuel, ce « marché des connaissances » signe une manière de travailler différente. Avec d'autres éléments. D'abord, l'accent sur l'expression orale. Dans chaque classe, la journée commence par un « quoi de neuf ? ». « Chacun parle à son tour s'il a envie de raconter quelque chose [...] Même les plus petits s'habituent vite à s'exprimer. Au début, ils parlent de leurs habits, ensuite, ils commencent à raconter des événements », raconte Paul Psaltopoulos, l'instituteur des plus jeunes. Systématiquement, sur chaque tableau, le menu de la journée est annoncé. En fin d'activité, que ce soit anglais, mathématiques ou lecture, les enfants donnent aussi leurs impressions. « Cela leur permet de passer à l'activité suivante en ayant vidé leur sac » note Corinne Famelart, l'institutrice des moyens. On procède ainsi dans les trois classes, qui correspondent aux trois cycles (1).

Une école peu classique, où apprendre se conjugue avec travail créatif en ateliers, sous l'oeil vigilant du directeur. L'établissement, soutenu par l'Éducation nationale, tend à faire fonction de terrain de stage pour les futurs enseignants.

 

Adieu les notes

   Ensuite - et surtout - les notes ont disparu du paysage scolaire. Rémi Castérès explique. « Sur les carnets, nous pointons des compétences. Ce qui est important, c'est de faire réfléchir les enfants aux points sur lesquels ils ont progressé, ou bien au contraire, à ceux sur lesquels ils ont des difficultés [...] Ce n'est pas l'adulte qui leur attribue telle ou telle place. » L'un des élèves indique ce qui remplace les notes. « On doit obtenir des ceintures dans plusieurs matières. On décide nous-mêmes quand on va passer l'épreuve. C'est quand on sent qu'on est prêt [...] Ça nous apprend à s'imposer des défis soi-même, et à être patient. » Un autre élève. « Échouer c'est plutôt bien, parce qu'on peut réussir plus tard, alors que dans les autres écoles, échouer c'est nul. » Blanche, jaune, orange... et jusqu'à la marron, les ceintures marquent des apprentissages acquis selon une grille très précise, qui ne s'éloigne absolument pas des exigences des programmes scolaires. Les élèves de Saint-Didier passent d'ailleurs avec succès les tests nationaux en français et en mathématiques. « C'est l'intention qui est différente. Après, les choses mises en oeuvre en dépendent [...] Et pour nous le plus important est que les élèves pensent. Que chacun ait envie de venir à l'école pour apprendre [...] » martèle Rémi Castérès.

   Occupée sur un stand, Lucie, jeune stagiaire de l'Iufm de Lyon (Institut universitaire de formation des maîtres) est passée dans d'autres écoles. Elle remarque que les enfants, ici, sont à la fois « cadrés - ils savent ce qu'ils ont à faire - et plus autonomes ». Est-ce possible de faire la même chose ailleurs ? « Pour cela, il faut faire confiance aux enfants. » Et si c'était le secret ?

MURIEL FLORIN


Selon les textes officiels, l'école primaire est organisée en trois cycles. Cycle 1 pour la petite et moyenne section de maternelle. Cycle 2 de la grande section eu Ce1 inclus. Cycle 3 jusqu'au Cm2.


Une différence acceptée

Si beaucoup d'enseignants, ça et là, sortent du classicisme, il est très rare que toute une équipe fonctionne entièrement « sur la même longueur d'ondes ». En l'occurrence avec des méthodes pédagogiques qui font écho à Célestin Freinet. Selon cet instituteur pacifiste rescapé de la première guerre mondiale, expression de l'enfant, communication, coopération, tâtonnement expérimental et besoin de plaisir permettent un apprentissage réussi. Rémi Castérès, le directeur de Saint-Didier, se défend pourtant d'appliquer une quelconque théorie mais revendique une impulsion empirique. L'instituteur d'abord « traditionnel » a roulé sa bosse entre Saint-Genis-Laval et les Minguettes à Vénissieux. C'est là, après les premières émeutes urbaines, qu'il a décidé « de tout chambouler ». « Les autorités se sont alors affolées. Il fallait à tout prix retenir les enfants à l'école. On a lancé des activités différentes, décloisonné [...] C'est à ce moment que j'ai commencé à vraiment écouter les enfants. À développer tout un tas de trucs pour leur donner envie d'apprendre. » À Saint-Didier « au début, il a fallu y aller doucement avec les parents », se souvient-il. Aujourd'hui encore des familles s'étonnent, hésitent - « On m'a dit que vous ne donniez pas de devoirs... » - et inscrivent parfois leurs enfants à l'école privée voisine. « Mais il y en a aussi d'autres qui déménagent exprès parce qu'ils ont entendu parler de l'école », sourit le directeur, tranquille. Bien qu'atypique, la petite école reçoit le soutien de l'Éducation nationale : depuis six ans, ses classes sont devenues terrain de stage pour les futurs enseignants.

M.F.

 

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jeudi 03 avril 2003