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École publique de Saint-Didier-sous-Riverie |
École des quatre langages |
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Préambule Le texte suivant fait suite à une demande de Jacques Lévine.
En effet, après quelques discussions avec l'équipe, il avait demandé à chacun d'entre nous d'essayer d'écrire comment il se représentait l'école des quatre
langages. J'ai donc essayé de mettre de l'ordre dans toutes les idées émises pour y voir plus clair.
Comment est-ce que je pense l’école des quatre langages ? |
Jacques Pichon Ce texte a été publié dans le numéro 11 de la revue "JE est un
autre".
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Enseignant
dans une classe de cycle 2, j’ai envie de me demander pourquoi mes façons
d’exercer et de concevoir mon métier ont changé depuis mes débuts, et
continuent de changer d’année en année, pour arriver, actuellement, à
l’envie de réaliser une école des quatre langages telle qu’elle
m’est apparue à la lumière des discussions et des rencontres que j’ai
eues avec J. Lévine et d’autres collègues. Doutes
et interrogations Très
vite, je m’étais aperçu que la classe, dans le sens d’un groupe homogène
qu’on piloterait, n’existait pas. J’avais pourtant appris à bien préparer
mes leçons : cerner les objectifs à atteindre, une évaluation
initiale, une démarche active qui amène les élèves à se questionner et
à résoudre des problèmes, enfin m’assurer des progrès. Pourquoi
cette façon de faire classe ne me suffisait-elle pas ? La
plupart du temps, les enfants devaient faire la même chose en même temps.
Je me sentais être une machine à transmettre des savoirs alors que je
pensais pouvoir apporter d’autres choses aux enfants. Les acquisitions se
faisaient de manière abstraite, superficielle ou sous la contrainte. Je ne
tenais pas compte du passé, ni de l’avenir lointain de l’enfant :
j’essayais surtout qu’il ait un minimum de connaissances pour passer
dans la classe supérieure et qu’il ne soit pas trop faible dans la classe
du collègue. Je
m’interrogeais sur l’utilité de ce que j’essayais de faire apprendre
aux élèves. J’écoutais mes désirs et fort peu ceux des enfants. Je
faisais la part trop belle au français et aux mathématiques. Ainsi,
certains enfants très créatifs, très soigneux, se retrouvaient-ils en échec
car je devais aller vite en lecture et en mathématique. Mon expérience me
prouve qu’un enfant se débrouillera, sauf cas exceptionnels, pour acquérir
les savoirs de base en lecture. Des
comportements d’élèves illustraient mes insatisfactions : les
enfants étaient peu impliqués dans ce qu’ils faisaient. Ils avaient
beaucoup de difficultés à donner un avis sur leur travail, sur leur rôle
dans la classe. Beaucoup d’élèves étaient suspendus à mes demandes, étaient
peu autonomes. Certains se cachaient, n’osaient pas se montrer, avaient
peur de ne pas réussir. J’ai
présenté ici des attitudes communes au plus grand nombre. Il y avait aussi
parfois des comportements extrêmes : une opposition systématique à
tout travail scolaire, un rejet de toute forme de coopération avec les
camarades, des révoltes de la part de
« fauteurs de troubles » . Je
n’avais pas été formé à l’analyse de ces attitudes. Quel était mon
rôle dans ces comportements ? Étaient-ils inévitables ? À
partir de ces constats, comment améliorer la situation ? Petit
à petit, au fil des années, il m’est apparu que l’enfant devait avoir
des espaces de parole, où il donne son avis, où il fait des propositions,
où il apprend à régler des conflits et où le groupe classe joue le rôle
de médiateur. Pour éviter
les injustices et les sentiments de jalousie, je devais faire respecter un règlement
connu de tous et accepté du plus grand nombre. Les
enfants devaient, le plus rapidement possible, se sentir en confiance, avec
moi bien sûr, mais aussi avec leurs camardes. Les
enfants devaient vivre l’école non pas comme un lieu d’évaluation de
leur travail, mais comme un lieu d’apprentissage. Je devais me préoccuper
du devenir lointain des enfants, donc voir plus loin que la fin de l’année
scolaire. Qu’est-ce que j’étais capable d’apporter à chaque enfant,
en une année, pour qu’il réussisse un peu mieux sa vie ? Il était
plus facile de travailler dans une équipe qui avait des convictions
communes. Toutes
ces tentatives d’amélioration s’appuyaient sur ce que je ressentais.
Elles étaient surtout intuitives. De plus, comme j’enseignais à Vénissieux,
aux Minguettes, il y avait au fond de moi l’idée complaisante et fausse
que ces comportements étaient spécifiques aux enfants de la ZUP. Cette idée
m’empêchait de pousser plus loin ma réflexion. Ma
surprise fut grande quand, étant nommé à Saint Didier sous Riverie, dans
la campagne lyonnaise, je m’aperçus que les mêmes comportements
existaient. Ils n’étaient donc pas dus à la spécificité d’une
population, mais à ce qu’étaient vraiment les enfants. Du
coup, il convenait de se centrer sur l’enfant, sur son développement, sa
construction, sur ce qu’il ressentait pour, dans un premier temps,
expliquer ces comportements, et dans un deuxième, tenter d’apporter des réponses. L’école
des quatre langages Les séances
de Soutien au Soutien, avec Jacques Lévine, la lecture de la revue « Je
est un autre » m’ont dévoilé comment se construisait l’enfant.
Je disposais alors d’un outil pour faire en sorte de faire coïncider mes
désirs d’enseignant avec les réalités de l’enfance. En outre, l’école
que Jacques Lévine appelle des quatre langages correspondait à ce que je
cherchais à réaliser dans ma classe. Aussi vais-je tenter de montrer
comment je comprends et m’efforce de développer l’intelligence des
situations, l’intelligence des relations, celle des talents personnels et
enfin des réalisations. 1-
L’intelligence des situations Pour
moi, c’est ce qui fait qu’un enfant travaille intellectuellement pour de
vrai. Je ne la vois pas comme une réflexion à priori, ni à posteriori,
sur la pensée, car ce n’est pas un mécanisme à part que l’on pourrait
détacher, c’est un accompagnement. Ce que
je mettrais derrière le langage oral interne, c’est l’intelligence de
l’intelligence, la compréhension qu’on est en train de comprendre, de
faire, et qu’on a une certaine maîtrise de ce qu’on fait. C’est
tout le questionnement, les attitudes, qui m’accompagnent en ce moment
quand je suis en train d’écrire : Est-ce que ce que j’écris est
compréhensible ? Est-ce que ça va être intéressant ? Est-ce
qu’on ne l’a pas déjà dit ? Je me frotte le menton. Je mets mes
doigts dans la bouche. Plus tard je sais que je vais relire pour faire
attention aux erreurs d’orthographe, etc. Dans
mon cas, cette intelligence se met en œuvre automatiquement, heureusement,
sauf quand je suis très stressé, quand je ne me sens pas à la hauteur ou
bien quand je suis très fatigué. Où cet
accompagnement se situe-t-il et à quel moment ? Dans le cas de l’écriture,
sans doute dans la relation que je noue avec mon texte, que je construis
avec les lecteurs (c’est aussi le langage de la relation). Ce serait le décor
d’un théâtre, ce qui va donner du sens. Comment
l’enfant peut-il prendre conscience de cette intelligence qui doit l’épauler ? Les
ateliers philosophie bien évidemment amènent l’enfant à goûter et à
exercer la prise de conscience de cet accompagnement. Qu’est-ce que je
vais dire ? Qu’est-ce que les autres vont en penser ?
Qu’est-ce qu’il a voulu dire ? Je me trémousse, etc. Le
travail en groupe peut être un moyen, en voyant les autres enfants faire,
leurs attitudes, de voir à l’œuvre ce qui accompagne la réalisation. À
condition de ne pas toujours regarder cette dernière au détriment du
processus qui l’a accompagnée. Le résultat sera d’ailleurs d’autant
plus valorisant pour l’enfant qu’il sait qu’il s’est mobilisé entièrement,
qu’il en a « bavé ». La démarche
de ce qu’on appelle désormais « La main à la pâte »
favorise un tel travail. Il faut
laisser du temps, lors de la même tâche, pour que cette intelligence
s’exerce, se développe, évolue. Si elle change au cours de la réalisation,
à ce moment-là, l’enfant en prendra sans doute conscience :
« Tiens, je voulais faire ça et ça a donné ça, c’est bizarre. »
ou simplement « Je n’y arrive pas, allons voir comment mon copain a
fait. » Le
choix des situations me paraît également important : il faut savoir
les varier pour enrichir ce langage, mais aussi les reproduire pour le
renforcer. Pour
favoriser cet accompagnement, il convient de renforcer l’image positive
que l’enfant se construit de lui-même. S’il se juge bon à rien ou
s’il préfère rester petit, il fera sans doute tout pour enfouir, ne pas
construire ou ne pas utiliser cette intelligence : on observe alors des
enfants qui répondent à toute allure, au hasard ou pour faire plaisir. Je me
rends compte que trop souvent, je me lance dans un « questions-réponses »
trop rapide avec les enfants. Cela ne contribue malheureusement pas au
renforcement de cette intelligence. En effet mis à part ceux qui l’ont développée,
qui vont répondre juste et qui seront valorisés, pour les autres, le résultat
sera contraire à mes attentes. D’autre
part, je ne pense pas que c’est en demandant à ceux qui ont bien répondu
comment ils ont fait que ça peut aider les autres. C’est en voyant en œuvre
ce langage et en le vivant qu’on peut l’éprouver. Il est étroitement mêlé
à la relation que l’enfant a nouée ou nouera avec lui-même et les
autres. 2- Le
langage des relations À
propos des relations maître-élèves, je vais relater une expérience vécue. Une année
je décidai d’avoir un CP. Le jour de la rentrée j’avais en face de moi
une majorité d’élèves qui se demandaient ce qu’ils faisaient là et
qui commencèrent rapidement à se chamailler. Nous nous regardions comme
des étrangers, nous n’avions pas préparé la rencontre. L’année fut
très difficile. L’année
suivante se passa beaucoup mieux, d’une part car il y avait moins d’élèves
qui posaient problème et d’autre part parce que tout au long de l’année
j’avais effectué un travail avec les enfants de GS que j’allais
accueillir. Leur venue avait été préparée, ils étaient rassurés. Il y a
eu tout un travail, de l’ordre de la préparation au départ, à la séparation,
accompagné d’une autre d’attente, d’accueil. Sans ce
travail, beaucoup d’enfants ne se sentent pas en sécurité. Ils ont peur
de ce qu’ils montrent. Ils craignent de ne pas être suffisamment valables
aux yeux du maître. C’est dans et grâce à la relation de
confiance, de respect, qu’il nouera avec l’enseignant qu’il pourra
vaincre ses peurs, grandir et en particulier entrer dans la lecture. Comment
construire une telle relation ? Peut-être
en ayant confiance en l’enfant, en sa réussite, en essayant de comprendre
ce qu’il ressent, en posant un regard bienveillant sur lui, sur ce qu’il
fait, et tout ça dans un cadre sécurisant où il se sent protégé par des
règles qui sont respectées. Enfin,
le plus long fut pour moi de prendre conscience de l’importance de mon
regard sur le travail des élèves. Je crois que beaucoup d’élèves ont
guetté, ont attendu un acquiescement, un encouragement, de la chaleur alors
qu’il y avait de la neutralité. Sous prétexte de ne pas juger l’élève,
de dissocier travail et personne, de ne pas avoir l’impression de
n’encourager que ceux qui réussissaient, je n’ai pas permis aux enfants
de construire une image suffisamment positive d’eux-mêmes. Ça a été
une grosse erreur que j’essaie de corriger. Quant
aux relations entre enfants, je vais rapporter une autre anecdote. À l’école
normale, j’ai appris à « faire classe à la classe ». Quand
on a un seul niveau, il est encore possible de faire la même leçon de mathématique
à la classe entière. Quand
j’ai eu une classe de cycle 2, j’ai donc consulté trois livres :
un de GS, un de CP et un de CE1. Dans le déroulement de chacune des leçons,
le maître devait être présent. Je
devais donc soit aborder uniquement le tiers du programme à chaque niveau,
soit travailler différemment. En
optant pour la seconde solution, l’enfant ne devait plus seulement
travailler grâce à moi mais avec et grâce aux autres. Cette
collaboration, indispensable, n’existait que dans les relations que les
enfants nouaient. Il fallait qu’ils s’aident mutuellement. Chacun devait
trouver sa place : les demandeurs ne devaient pas être seulement des
demandeurs, les enfants- « ressources » devaient trouver un intérêt
à essayer de transmettre leur savoir. Cet échange de savoirs est le
fondement du « marché » de connaissances. C’est
un des grands intérêts de la classe multi-âges : les relations
d’entraide qu’elle développe, la perspective de croissance qu’elle
apporte aux plus jeunes, ainsi que le temps qu’elle laisse à
l’enseignant et à l’enfant. Pour
que ça fonctionne, les enfants devaient donc se connaître, se reconnaître.
C’est le rôle du « quelque chose à dire » (chaque matin
les enfants ont la possibilité de dire quelque chose à la classe), de la
philo, des ateliers de l’après-midi (les groupes sont constitués
d’enfants de GS, de CP et de CE1). Il est
évident que des tensions allaient éclore mais la réunion de coopérative
permet au groupe d’en discuter. Il me paraît important que les enfants
sentent qu’il existe un intérêt supérieur, le groupe (et au-delà
l’intérêt humain) qui veille à ce que tout se passe bien, même si les
crises sont inévitables. Il
convient également de trouver des situations où chaque enfant puisse
apporter quelque chose au groupe, et parallèlement des situations où le
groupe reconnaisse le travail de ses pairs. De la même
façon que pour l’intelligence des situations, l’enfant trouvera
d’autant plus rapidement sa place dans le groupe qu’il se jugera
valable. D’ailleurs, j’ai en mémoire des enfants, qui ne se sentant en
rien valables, préféraient très vite se cantonner dans le chahut, façon
de confirmer l’image que leurs camarades et le maître avaient d’eux. Il me semble
que les relations découlent, dans la classe, de la place que chaque enfant
occupe dans le regard du maître et dans le regard de ses camarades. De la même
façon que l’enfant construit une image de lui-même en se voyant dans le
regard que l’autre porte sur lui, c’est en changeant le regard porté
sur lui que la relation pourra se modifier. C’est
en partie par le regard qu’il
porte sur eux que l’enseignant pourra faire prendre conscience aux enfants
en difficulté qu’ils sont autres que ce qu’ils ont toujours cru. Il
peut essayer de leur transmettre de l’importance, leur donner des
responsabilités dans le groupe. Enfin
je voudrais rappeler, comme je l’ai mentionné plus haut avec l’exemple
du texte que je suis en train d’écrire, que le langage des relations est
articulé aux langages des situations et des réalisations. Prenons
l’exemple de P’tit Crack, le journal de toute l’école. Quand
l’enfant écrit ou dicte un texte, il entre en relation avec d’autres,
public réel ou public imaginaire. C’est dans un tissu de relations que
les productions s’élaborent et se réalisent, comme par exemple à
travers la correspondance scolaire. 3- L’intelligence des
curiosités et des talents personnels Pour
acquérir de la valeur aux yeux des autres, donc à ses propres yeux, pour
nouer de bonnes relations avec son public (intérieur et extérieur),
l’enfant doit faire l’expérience du plaisir que procure la
reconnaissance ou la mise en valeur de ce qu’il a fait. Comment ?
Tout au long de la réalisation d’un travail, le maître, et même le
groupe, peuvent pointer les talents de chacun, mettre en valeur, donner de
la fierté. C’est là encore tout profit pour la croissance de
l’intelligence des relations et de l’intelligence des situations. Là
encore, la démarche de « la main à la pâte » propose beaucoup
de situations de recherches où chacun peut révéler en quoi il est capable d’organiser,
de commander, d’être minutieux, d’être inventif, etc. Ce
langage est aussi la prise de conscience de la diversité, de l’utilité
de chacun. C’est l’apprentissage de la citoyenneté. Je suis
d’ailleurs persuadé que si les adultes changeaient de temps en temps de métier,
la société irait mieux. Les
enfants peuvent exceller dans des domaines variés : bricolage, qualité
du service, imagination, etc. C’est à l’enseignant de veiller à la
variété des activités pour que se révèlent des talents qui peuvent par
ailleurs être utiles aux autres, les surprendre aussi. Quand on a un don,
voire simplement une possibilité, qu’on aime quelque chose, n’est-ce
pas un devoir d’en faire profiter soi-même et les autres ? J’ajouterai
au langage des curiosités et des talents personnels le fait de trouver
quelque chose qu’on aime faire ; qu’importe alors le résultat !
Encourager l’enfant qui aime peindre, qui aime le sport, qui aime
cuisiner, c’est lui donner de la valeur, c’est donner plus de sens à sa
vie et le faire grandir. Je
crois qu’on vit plus intensément quand on a un ou plusieurs violons
d’Ingres. Ce sont des anti-déprimes. 4- Le
langage des réalisations Nous
avons dit qu’en devenant producteur, l’enfant s’installait dans une
société qui n’est plus sa famille. Pour l’enfant, produire dans un
espace qui n’est pas mercantile est une expérience où il se sent à la
source de pensées, de réalisations, de sociabilité, voire d’inventivité. Il
existe fréquemment une rupture entre la maternelle et le primaire. Plus
l’enfant grandit, plus l’école privilégie le langage écrit abstrait.
L’espace de production se réduit alors à la feuille de papier et le
crayon est l’outil principal. L’école primaire met alors en difficulté
les élèves qui ont besoin d’apprendre en manipulant, en construisant.
Pour ces élèves, je fais l’hypothèse que la réalisation permet, en
occupant les mains et le corps, de laisser le temps de la réflexion, de
rassurer le corps alors que le cerveau est dans la confusion, tout en
donnant aux interlocuteurs l’image de quelqu’un qui travaille. En
lecture, ce sont des enfants qui auront énormément de mal à déchiffrer. C’est
peut-être pour cette raison qu’au CP beaucoup d’enseignants proposent
aux enfants des réalisations où ils auront à dessiner, à découper ou à
coller lors de leurs recherches. La
production est le moteur des autres langages : elle enclenche les
relations avec les pairs et le maître pendant et après, elle
s’accompagne de l’intelligence des situations, elle permet d’éprouver
du plaisir ou du déplaisir, elle permet de rechercher ses talents
personnels. La réalisation n’est plus une fin en soi. Elle permet de
travailler avec ses camarades, de réfléchir en faisant, de montrer de quoi
on est capable aux autres et d’exposer ses talents. Le travail de
l’enseignant est de se demander en quoi telle ou telle réalisation
contribue plus ou moins à la mise en œuvre des autres intelligences. Dans
notre école, beaucoup de brevets déposés pour les marchés de
connaissances proposent des réalisations : pliage d’avion, bateau en
coquille de noix, jumelles, etc. Cela illustre bien l’envie et le plaisir
qu’ont les enfants à se sentir producteurs. Par sa
production un enfant révèle une partie de ce qu’il est, de ce qu’il
vit. À travers elle, il va se livrer, donc s’exposer. Il en prend
conscience à l’école. Au groupe et à l’enseignant de faire en sorte
que cette présentation ne le bloque pas, mais renforce l’image positive
qu’il construit de lui-même. Dans ma
classe, en début d’après-midi, certains enfants ont un moment de travail
personnel. Les élèves choisissent de préparer une saynète, de
construire, d’écrire à l’aide de l’ordinateur, de faire un puzzle,
etc. Leur désir de montrer ensuite au groupe ce qu’ils ont fait est très
fort. Ce désir révèle non seulement leur volonté de faire partager mais
également celle de connaître l’avis des autres et sans doute d’estimer
leur valeur dans cette appréciation. Quelques
réflexions sur l’ÉCOLE des quatre langages Je juge
très intéressantes les connections étroites qui existent entre les quatre
intelligences. Chacune permet de comprendre et de faire fonctionner le tout,
exactement comme l’enfant est évoqué dans sa singularité et également
dans le groupe. Il me semble que ce n’est pas l’addition de quatre (ou
plus) intelligences qui construirait une partie de l’intelligence de
l’enfant, mais que l’intelligence serait de construire toutes ces
intelligences (et les autres) en bonne intelligence. J’ai en tête
l’image d’un être qui grandirait entièrement en se nourrissant de ce
qu’il est. Le
groupe de Soutien au Soutien me paraît un accompagnement fructueux pour une
telle école : il met en œuvre au niveau de l’équipe éducative
l’intelligence des situations parce qu’il demande une analyse vaste et
fine de la situation, parce qu’il provoque un questionnement.
L’intelligence des relations se retrouve dans la confiance mutuelle qui
s’installe et le regard différent que l’équipe va porter sur l’élève
ou la situation qui pose problème. Chacun peut apporter sa contribution, en
fonction de ses talents. La production sera l’élaboration et la réalisation
d’une nouvelle situation. On expérimente donc en Soutien au Soutien les
quatre langages, ce qui permet aux enseignants de les mettre ensuite à l’épreuve
dans leur classe. Ce qui me plaît aussi, c’est qu’une telle école n’est pas close, pas fermée sur elle-même. Promouvoir l’école des quatre langages, c’est s’engager dans une co-élaboration permanente de ce qui pourrait être profitable à chaque élève pour qu’il prenne conscience de la richesse de sa personnalité dans son unicité. Unicité qui n’aurait de sens que dans la contribution qu’il apporterait à la construction d’un tout. Jacques
Pichon |
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