École publique de Saint-Didier-sous-Riverie

Cycle 2 :

faire grandir la classe

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Des élèves parents de la classe 

Un vendredi de septembre, Marie-Odile, l’ATSEM du cycle 1, était absente. Cela n’était pas prévu. La matinée n’a pas posé de problème au cycle 2, mais l’après-midi allait être plus difficile à gérer car nous organisons des ateliers décloisonnés cycle 1 - cycle 2, pendant la sieste des petits. L’ATSEM étant absente, il n’y avait personne pour surveiller la sieste. Donc, il fallait annuler les ateliers.

La deuxième partie de l’après-midi devait être consacrée à l’éducation physique et sportive. Mais, personne ne pouvant nous accompagner au gymnase, il fallait là aussi annuler l’activité.

J’ai donc passé le temps de midi à préparer une nouvelle demi-journée.

Au retour des élèves, je les ai informés de l’absence de Marie-Odile. Quelques doigts se sont levés :

« Les ateliers vont donc être annulés.

- On ne pourra pas aller au gymnase. »

J’ai constaté qu’ils avaient immédiatement compris les conséquences de cette absence sur le déroulement de la journée, et je me suis apprêtée à leur annoncer ce que j’avais prévu en remplacement.

Mais cette fois, ce sont de nombreux doigts qui se sont levés. Je n’ai donc rien dit, et je les ai laissés parler.

Et ce qui s’est passé m’a beaucoup surprise : ils ont construit ensemble la demi-journée de remplacement.

 

Ils ont commencé par faire des propositions :

« On pourrait tous se mettre en travail personnel.

- On pourrait continuer la séance de musique de la semaine dernière.

- On pourrait faire du sport dans la salle plus petite près de l’école.

- On pourrait lire la suite du livre en cours.

- Séverine pourrait présenter son livre.

- On pourrait reprendre notre projet en arts plastiques puisque la classe n’était pas satisfaite des dernières productions. »

Tout en proposant, ils réagissaient à ce que disaient les autres, argumentaient, discutaient, réfutaient.

Je leur ai ensuite lu ce que moi, j’avais prévu, et nous avons découvert qu’il y avait de nombreux points communs : la musique, la suite du livre, la présentation du livre de Séverine, le sport dans la petite salle.

Je n’étais pas d’accord pour les arts plastiques car cela demandait une préparation matérielle importante et donc impossible. Ils ont compris ; ce n’était pas discutable.

Par contre, pour le travail personnel, ils m’ont convaincue. Je concevais difficilement que tous les enfants de la classe soient en même temps en travail personnel car cela me semblait difficilement gérable. D’habitude, seule la moitié de la classe fait ce choix, pendant que les autres sont en ateliers décloisonnés. Ils ont insisté, avançant le fait qu’ils avaient tous quelque chose à faire, et que cela leur semblait possible dans la classe. Et ils avaient raison, car c’est ce qui s’est passé : chaque élève s’est inscrit pour un travail personnel, et cette activité s’est déroulée sans aucun problème.

Dans ma préparation, j’avais également prévu un temps d’écriture que nous avons enlevé puisqu’il fallait faire des choix.

En fait, cette demi-journée a été le fruit d’une construction commune, entre les élèves et la maîtresse.

Ils ne se sont pas contentés de faire des propositions d’activités que j’aurais pu lister au tableau, pour finalement choisir les meilleures, ou pour les faire voter pour ce qu’ils préféraient. Ils ont construit leur demi-journée : ils ont discuté afin de programmer des temps qui leur permettent de grandir et d’apprendre. Il m’a semblé sentir dans ce moment l’influence de la philosophie : ce sont des enfants qui ont l’habitude de construire leur pensée ensemble.

Je pense que cela leur a donné du pouvoir : pas le pouvoir de faire ce qu’on veut et qui mènerait au chaos, mais le pouvoir de décider ensemble ce qui est bon pour nous.

Cela s’est fait par hasard. Je ne l’avais évidemment pas anticipé. Mais, après coup, en analysant ce qui s’est passé, j’ai le sentiment qu’il s’agit là de ce que Jacques Lévine évoque quand il parle des élèves parents de la classe : ils font grandir leur classe comme on élève un enfant. Ils se sont approprié leur classe comme leur propre enfant et ont eu le désir de la faire grandir. En faisant cela, c’est eux-mêmes qu’ils faisaient grandir. Cet après-midi là, je les ai moi-même vus comme des grands.

Ils ont agi pour la communauté parce que leur projet - comme le mien - est la croissance de chacun et du collectif.

Corinne Famelart

 


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jeudi 09 mars 2006