École publique de Saint-Didier-sous-Riverie

Animation & Education

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Dominique Sénore

 

 

«Beaucoup d'enseignants coopérateurs, en effet, délaissent les notes au profit d'autres plus performants, en ce sens qu'ils donnent une meilleure   information pour la réussite des élèves.»

Les classes coopératives s'appuient sur un certain nombre de principes ancrés à des valeurs telles que le débat démocratique, la participation solidaire à une œuvre collective, la coopération préférée à la compétition, le partage des bénéfices ou des déficits, c'est-à-dire l'interdépendance solidaire qui conduit à se sentir responsable de soi et des autres, redevable, devant les autres, de ses actes.

A ces principes correspondent des postures et des pratiques pédagogiques :

- des dispositifs interactifs : l'aide, l'entraide, le travail d'équipe, le tutorat qui nécessitent l'identification des compétences des uns et des autres ; une réflexion méthodologique pour développer les compétences relationnelles et sociales (nécessaires pour travailler ensemble, pour aider un pair) ; une évaluation et une régulation régulières ;

- des temps et des lieux réservés à l'expression et à la régulation de la vie de la classe, de la vie de l'établissement et de l'école, tels que le conseil de coopérative de classe, le conseil de délégués, etc.

- l'attribution de rôles sociaux nécessaires au meilleur fonctionnement démocratique du groupe social.

L'éducation par la coopération implique donc des modalités spécifiques d'organisation des classes et des groupes, des méthodes et des outils qui installent des conditions favorables à une école des intelligences plurielles ou encore l'école des quatre langages.

De telles pratiques produisent des effets sur le comportement global des enfants et des adolescents, chacun des enseignants coopérateurs le constate au quotidien. Ce qui est plus implicite, c'est la reconnaissance, par une partie de la communauté éducative, des effets produits par la pédagogie coopérative sur les apprentissages scolaires. Un reproche fait aux enseignants utilisant les outils de la pédagogie moderne ou se revendiquant des principes de la pédagogie coopérative serait qu'ils ne centrent pas suffisamment leur action sur les apprentissages scolaires. C'est, à mon sens, un reproche injuste. Les visites effectuées dans les classes coopératives montrent que les apprentissages n'y sont pas délaissés. Il existe même une manière coopérative d'apprendre et, sans doute, aussi, d'évaluer.

Beaucoup d'enseignants coopérateurs, en effet, délaissent les notes au profit d'autres systèmes plus performants, en ce sens qu'ils donnent une meilleure information pour la réussite des élèves. Il peut s'agir, par exemple, d'évaluation de compétences par un système de ceintures de couleur (comme dans les arts martiaux). Ces pratiques impliquent davantage les élèves qui sont informés de ce que l'on attend d'eux. De plus, ils connaissent les indicateurs de réussite retenus par leurs enseignants. La mission "Ecole primaire de l'Institut National de Recherche Pédagogique" a mené, d'octobre à décembre 1999, une étude auprès des parents d'élèves d'une école coopérative pratiquant ce type d'évaluation. Près de trente pour cent des parents disaient avoir été déroutés, dans les premières semaines de classe, face à l'absence des notes qui constituaient jusqu'alors un repère facile à lire. Ils disaient, d'autre part, que la qualité de l'information diffusée par les enseignants leur avait permis de nouer des relations nouvelles avec eux et de mieux comprendre comment leurs enfants travaillaient à l'école. L'ensemble d'entre eux reconnaissait, d'ailleurs, que ce nouveau mode d'évaluation leur permettait de dialoguer différemment avec leurs enfants. Aucun d'entre eux ne regrettait la suppression des notes mais des inquiétudes subsistaient pour les parents des élèves en dernière année de cycle 3 devant entrer au collège l'année suivante. Ils auraient souhaité, pour les méthodes mises en œuvre en sixième, une certaine continuité plutôt qu'une rupture.

Les élèves observés dans les classes et interrogés en dehors des temps de classe étaient, quant à eux, capables de décrire, dans chacune des disciplines enseignées, les modalités des évaluations mises en place, quel que soit leur niveau scolaire. Les réponses qu'ils fournissent montrent qu'ils ont compris que les consignes données par les enseignants avant de passer une épreuve ou un brevet, les indications fournies à l'issue des épreuves étaient autant d'informations susceptibles de mieux les aider à progresser, à refaire différemment et à savoir dans quel sens ils devaient poursuivre leur réflexion et leur travail.

Pour tenter de mieux comprendre ce qui se passe, je propose de présenter rapidement deux exemples, le premier concerne les "brevets de connaissances" et le deuxième traitera de "l'atelier philosophie".

Ces deux exemples montrent comment des pratiques coopératives, dans les classes et les écoles, permettent à tous les enfants, quel que soit le niveau d'adhésion de chacun à la classe, de tenir leur place d'élèves. C'est, sans doute, un des points forts des pratiques coopératives que de faciliter la reconnaissance de chacun en tant qu'élève. C'est, aussi, une force des pratiques coopératives que de per­mettre à l'élève de devenir œuvre de soi-même, aussi bien par rapport aux apprentissages scolaires qu'en lien avec son développement global.

Dominique Sénore

IUFM de l'Académie de Lyon

 

«L'atelier philosophie»

«L'atelier philosophie» et ses prolongements possibles, en fonction des cycles ; l'exemple de l'école de Saint-Didier-sous-Riverie.

"L'atelier philosophie" est un moment de parole particulier. Pendant une dizaine de minutes, les élèves se retrouvent confrontés à une énigme comme, par exemple :

«Pourquoi certaines personnes ont-elles envie de se moquer ? Peut-il être utile de se mettre en colère ? Comment faut-il faire pour être sûr de bien connaître quelqu'un ? Est-ce que comprendre et apprendre, c'est pareil ? Faut-il toujours tout réussir la première fois ?», etc.

Pendant ces dix minutes, l'enseignant n'intervient pas. Cela ne signifie pas pour autant que sa présence n'est pas forte et importante, au contraire. Il a le devoir de faciliter la communication entre les élèves, celui de permettre aux échanges d'avoir lieu et, ainsi, la pensée collective comme la pensée individuelle se construisent.

Ce moment est enregistré ou, mieux, filmé et les élèves ont la possibilité de se réentendre ou de visionner la cassette, soit immédiatement après la séance, soit à tout moment libre. Parfois, l'énigme proposée semble insurmontable, trop complexe ; c'est ce qui est arrivé au cycle 3 alors que les élèves devaient échanger à partir de : «Qu'est-ce que la beauté ?» Un sursis d'une semaine a été demandé, par les élèves, au maître de la classe. La séance fut interrompue et reprise la semaine suivante, les échanges plus riches et plus nombreux. La question de la difficulté des énigmes fut, ensuite, débattue en conseil et une décision votée : les élèves choisiraient les trois prochaines énigmes pour les trois prochaines séances. Après une séance de travail, les trois énigmes suivantes furent retenues : Pourquoi y a-t-il des gens racistes ? L'univers a-t-il une fin ? Qui est apparu le premier, de l'œuf ou de la poule ?

"Je suis pas d'accord"

Jacques Lévine a travaillé avec l'équipe des enseignants de Saint-Didier-sous-Riverie (département du Rhône). Il a assisté à des séances et visionné des enregistrements. A partir de ses observations, dans cette école mais, aussi, dans beaucoup d'autres, il a pu mettre en évidence le fait que les élèves du cycle 1 échangent, surtout, à partir de ce qui fait référence à ce qu'ils connaissent et qui fait sens pour eux, sans lien apparent avec ce qui est dit par les autres élèves. Ils s'opposent ; ils utilisent souvent : "Je suis pas d'accord". Les tautologies sont abondantes ("Mon nounours est beau parce qu'il est joli"). Ensuite, au cycle 2, les élèves prennent appui sur les différences et les oppositions pour s'exprimer. Au cycle 3, enfin, les prises de parole se font en tentant de prendre appui sur ce qui rassemble les élèves, comme s’ils craignaient qu'une opposition les séparent trop.

Pendant l'année scolaire dernière, les élèves du cycle 3 ont demandé s'il n'existait pas des expériences dans d'autres écoles ou entre adultes ; ils auraient aimé visionner des cassettes pour savoir ce que pensaient d'autres personnes, enfants, adolescents ou adultes. Ceux du cycle 2 ont demandé à inventer des énigmes et ont défini celles qui pouvaient être "philosophiques" : "Les questions "philo" sont celles auxquelles on ne peut pas répondre par oui ou par non".

A égalité de dignité

En fait, ce temps offert aux élèves déborde largement le cadre des dix minutes consacrées à cette activité. Les enseignants constatent que tous les élèves participent et que le «leadership» habituel n'existe plus. Les élèves échangent, à égalité de dignité. Il n'existe plus de distinction entre "les bons et les mauvais". Les enseignants, quant à eux, ont une possibilité supplémentaire d'écouter et d'observer leurs élèves. Cette attention particulière fournit une occasion supplémentaire, pour chacun des élèves, d'être reconnu et considéré aux yeux de l'ensemble des élèves de la classe. C'est, en tous les cas, une posture qui semble porter ses fruits ; à tel point que des élèves ayant pratiqué cette forme de travail et de réflexion ont été amenés à demander des "ateliers mathématiques" ou, encore, "des ateliers scientifiques" pour essayer de "savoir ce que chacune et chacun connaissaient, à un moment donné, d'un sujet particulier". En d'autres occasions - en mathématiques, par exemple - les élèves échangeaient, argumentaient, réfléchissaient et discutaient pour aider l'un d'entre eux à comprendre le mécanisme d'une soustraction.

A ta fin d'une séance réservée aux opérations, des élèves ont pu, ainsi, comme à la fin de chaque moment de travail collectif, s'exprimer sur ce qu'ils avaient ressenti. Des demandes d'aide ont été exprimées par ceux qui avaient eu des difficultés auxquelles la recherche de solutions collectives n'avait pas abouti. C'est le cas, en particulier, d'un élève qui choisira une camarade pour l'aider. On peut voir, dans cet exemple, le résultat de pratiques coopératives proposant aux élèves d'être co-constructeurs de connaissances.

Les brevets de connaissances

Chacun de ces brevets consiste en une tâche à réaliser ou une action à conduire, en suivant un mode d'emploi préparé sous forme d'une fiche technique et méthodologique par un ou plusieurs élèves. Les brevets retenus et validés seront présentés, au moment du marché des connaissances, à l'ensemble des élèves de l'école. Il y a donc plusieurs phases pour un brevet. Cette activité permet aux élèves du cycle 3 de présenter des brevets qui alimenteront, plus tard, l'arbre des connaissances de l'école. Les parents et les partenaires de l'école ont, aussi, la possibilité d'en présenter, en suivant la même procédure.


Pour présenter un brevet, je dois :

1. Proposer une idée de brevet et la faire accepter par l'enseignant, en fonction de l'intérêt suscité par la tâche à réaliser et l'aide qu'elle peut apporter aux élèves.

2. Remplir la fiche technique et méthodologique.

3. Présenter la fiche devant la classe réunie en jury pour validation.

4. Passer le brevet au moment du marché des connaissances.

La fiche technique et méthodologique est fournie aux candidats et guide leur travail. Elle comporte le titre du brevet, sa fonction, le domaine d'activité, la validation retenue pour réussir ainsi que le matériel nécessaire pour passer l'épreuve. Ensuite, la fiche définit ce qu'il convient de faire (tu dois) et propose différentes possibilités pour y parvenir (tu peux). Les deux brevets présentés lors de notre visite, un lundi matin, s'intitulent : "Savoir téléphoner" et "Trouver cinq mots dans le dictionnaire". Préparés chaque fois par deux élèves, les brevets, au moment de leur présentation, sont discutés et critiqués par l'ensemble des élèves du cycle. Ainsi, les élèves découvrent très rapidement que le premier brevet a été insuffisamment préparé et qu'il ne peut être accepté en l'état. Il est proposé aux deux candidats de retravailler, seuls ou avec l'aide de l'un des élèves volontaires. Pour le second, la consigne : «II faut trouver cinq mots en dix minutes» est passée au crible de la critique et des propositions apparaissent : «Trouver cinq mots ne suffit pas», dit un élève ; «Sinon je les ai, les cinq mots : maman, papa, je, tu, nous». Les candidats proposent, alors : «Tu dois trouver cinq mots que nous te dictons en dix minutes». Tous sont d'accord pour ne pas retenir la critique qui concerne le temps imparti à la recherche. Il est inutile de préciser que cela dure dix minutes en tout. Le brevet est, finalement, validé à l'unanimité. Un élève profite de l'information sur la suite des présentations pour annoncer que sa mère souhaite proposer un brevet, le premier venant de parent d'élève, qui s'intitule : «Construire un gobelet en papier». Elle le présentera lors d'une prochaine séance.

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jeudi 03 avril 2003