École publique de Saint-Didier-sous-Riverie |
Pédagogie du débat |
|
Les
nouveaux programmes
(que vous pouvez télécharger en cliquant ici)
mettent l'accent sur l'importance des débats. Le terme revient quatre
fois dans la partie consacrée au cycle 1, onze fois dans celle du
cycle 2 et vingt-sept fois pour le cycle 3. On peut donc
affirmer qu'une classe où les élèves n'auraient pas l'occasion de débattre
serait hors programmes. |
||
Pourquoi débattre à l'école ? Il s'agit de permettre aux élèves de construire et de s'approprier des règles de vie commune, une culture, une démarche scientifique. Il existe différents types de débats. Pour ce qui nous concerne, nous distinguerons le débat citoyen, le débat philosophique et le débat scientifique. Le débat citoyen concerne la vie de la classe, de l'école. Il se conclut par des décisions qui sont votées et qui seront appliquées. Quelques exemples pris en cycle 3 : - Nous abonnons-nous aux Clés de l'Actualité juniors ? - Vendons-nous P'tit Crack au numéro ? Si oui, à quel prix ? - Pouvons-nous emporter la mallette de chimie à la maison ? Si oui, quand et dans quelles conditions ? Le débat "philosophique" (nous n'avons pas encore trouvé de meilleure formulation) est bien sûr celui qui a cours lors des ateliers philosophie, mais aussi lors des discussions à propos de livres, de films, d'œuvres d'art, ... Il s'agit de confronter des idées sans pour autant chercher à aboutir à une position commune. Quelques exemples : - Qu'est-ce qu'un bon élève ? (C'est le dernier sujet de notre atelier philo.) - Si tu étais un personnage dans cette histoire, lequel serais-tu ? Pourquoi ? Le débat scientifique a pour visée la découverte d'une vérité. Il est exclu que cette découverte procède par votes ! Ce qui importe, c'est de prouver, par un raisonnement ou par une expérience, qu'une hypothèse est vraie ou qu'elle est fausse. Quelques exemples pris en cycle 3 : - Une pelote de réjection est-elle le tombeau d'un oiseau ? - Combien de coquillettes y a-t-il dans ce paquet ? - En une journée, combien cet avion mû par un capteur solaire parcourt-il de kilomètres ? À la différence des deux premiers, le débat scientifique alterne les travaux individuels ou en petits groupes et les débats collectifs. Comme la vérité scientifique ne résulte pas de l'avis majoritaire, il devrait être exclu de mettre les élèves en travail par groupes en leur demandant de se mettre d'accord (c'est pourtant ce qui se fait le plus souvent). Avec une telle méthode, les théories de Copernic, Darwin ou Einstein n'auraient jamais eu leur chance ! Si, dans un groupe de recherche, des pensées divergentes se font jour, elles doivent toutes être prises en compte. Au cycle 3, le rapporteur devra présenter l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire. Comme on prendra soin de le désigner au hasard et au dernier moment, chaque enfant dans le groupe devra se préparer à être rapporteur, donc à comprendre et à être capable d'exprimer les différentes réflexions (il faut laisser cinq minutes avant le bilan pour que les élèves se préparent à cette présentation). |
Selon
les historiens, notre culture occidentale s'origine dans l'écart qu'il y
a eu entre le pouvoir politique et l'autorité spirituelle de l'Église.
C'est cet écart qui a permis de penser. Au contraire, dans l'Empire
romain et les autres civilisations, la fusion du pouvoir politique et de
l'autorité religieuse, parfois réunis dans la même personne,
empêche l'apparition de la pensée critique. Rémi Castérès
Après
avoir écrit cette note, j'ai lu, dans le numéro d'octobre 2002 des
"collection de l'Histoire" une interview d'Élie Barnavi. Je
cite (page 9) : « Dans
le christianisme, l'État a précédé la religion ; Jésus prêche
dans une Judée soumise à Rome. Cet Empire romain, il a bien fallu s'en accommoder.
Ainsi Jésus proclame dans l'Évangile : "Mon règne n'est
pas de ce monde", "Rendez à César ce qui est à César, et à
Dieu ce qui est à Dieu." Cela veut dire qu'il existe deux
royaumes, l'un ici-bas et l'autre dans l'Au-delà. C'est
fondamental ! S'il
fallait trouver une seule explication au décollage de l'Occident, c'est
là qu'il faudrait la chercher. C'est dans cette tension entre les deux
glaives, entre foi et raison, inhérente au monde occidental, que s'est
glissé l'esprit de la liberté, de la curiosité scientifique, l'esprit
de conquête, tout ce qui a cruellement manqué aux autres civilisations.
La laïcité est vraiment le moteur du progrès. » |
Qu'est-ce qui est commun à tous ces débats ? - l'unicité de la discussion. Une seule personne à la fois parle à tous, sur un sujet donné ; - la possibilité pour tous de prendre la parole et d'être entendus. Quels sont les obstacles à la conduite de débats en classe ? Il y a d'abord les craintes de l'enseignant : - peur du chahut, de perdre le contrôle de la classe ; - peur que la discussion dérape ; - peur de perdre du temps, de ne pas être efficace ; - peur de placer l'enfant, à travers un droit à la parole reconnu, dans un rapport d'égalité à l'adulte. Ensuite, le comportement des élèves : - de ceux qui, obsédés par la réponse juste, ne veulent pas prendre le risque de se tromper ; - de ceux qui sont démotivés et ne se vivent pas comme des chercheurs. Enfin, il y a les conditions matérielles : - impossibilité pour les débatteurs de se voir, par exemple si bureaux et élèves sont alignés les uns derrière les autres ; - bruit
extérieur trop fort pour que l'on s'entende.
Ce qui permet le débat, c'est le cadre. Il s'agit d'abord du cadre matériel. Les enfants doivent tous se voir. Le bruit en provenance de l'extérieur ne doit pas perturber l'écoute. La sécurité psychologique de chaque enfant doit être garantie : - il a le droit de ne pas parler ; - il a le droit de se tromper ; - il a le droit de ne pas être interrompu (tant qu'il traite du sujet). Le cadre, c'est enfin l'unité du débat : - il y a une seule discussion ; - ceux qui n'ont pas la parole écoutent ; - les interruptions sont rejetées, tant de la part de l'enseignant que des élèves ; - il n'y a pas de polémiques entre deux élèves. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||
Tout ça, c'est bien beau, mais est-il possible de le mettre en place ? Il y a sûrement d'autres moyens que ce que nous suggérons ; en tout cas, ce que nous préconisons ci-dessous fonctionne. Comment mettre en place le cadre des débats ? La première chose à laquelle veiller, c'est la disposition spatiale de la classe. Quand elle est possible, la disposition en U est favorable, d'autant que le côté ouvert permet de voir le tableau. L'alignement des bureaux les uns derrière les autres est à proscrire. S'il n'est pas possible de les changer de place, il vaut mieux chercher un autre lieu (gymnase, préau, pelouse...) La deuxième, c'est de garantir la sécurité psychologique de chaque enfant - et cela dépend essentiellement de l'attitude de l'enseignant lui-même : Il ne faut jamais sanctionner les erreurs. Il ne faut pas interrompre, tant que l'orateur reste dans le cadre du sujet (et il vaut alors mieux poser la question du rapport entre le discours tenu et le thème du débat que de décider trop rapidement que c'est hors-sujet). Il ne faut pas non plus, faute de pouvoir interrompre, manifester d'énervement, par des soupirs et autres gestes d'impatience. Il ne faut pas commenter, répéter, interpréter ce qu'a dit l'enfant. Une seule règle d'or : SILENCE ! Il ne faut pas solliciter la parole de ceux qui se taisent. Cela ne leur apprendrait pas à s'exprimer, mais à tenir des propos convenus et insipides ou à répéter ce qui vient d'être dit. La troisième chose à laquelle il faut veiller, c'est l'unicité du débat : Au delà de cinq personnes, un groupe éclate en plusieurs sous-groupes. Il faut donc que quelqu'un fasse circuler la parole ; nous recommandons que ce soit le maître au début et tant que c'est nécessaire. Un ordre explicite de distribution de la parole est indispensable. S'il n'y a pas d'ordre, il y a désordre et donc pas de débat ! Voici deux ordres possibles : l'ordre chronologique (on relève au fur et à mesure les noms de ceux qui demandent la parole) ; l'ordre topologique (le prochain qui aura la parole est celui qui est placé après l'orateur actuel en suivant la courbe du U). Nous préférons l'ordre topologique, que dans notre jargon de Saint-Didier nous appelons "l'ordre du serpent", parce qu'il permet une plus grande répartition des prises de parole et qu'il désamorce mieux les polémiques (avant que A puisse répondre à B, il faut avoir fait un tour complet...) Nous, les enseignants, avons aussi notre place dans le "serpent" pour pouvoir nous exprimer à notre tour - mais seulement à notre tour. La qualité de l'écoute est garantie par le fait que le maître ne répète pas ce qui est dit. Pour suivre la discussion, il est nécessaire d'écouter tous les intervenants ; ainsi, l'attention ne se relâche pas quand un enfant parle. Les interruptions sont... interrompues. Pas de paroles pour ceux qui coupent la parole ! La
durée du débat doit être fixée au départ et connue des enfants ;
l'heure de fin est annoncée. Par exemple, pour un conseil de coopérative
en cycle 3, la durée d'une demi-heure préconisée par les
programmes est très raisonnable. Cela ne vient pas tout de suite, mais
cela oblige les enfants à parler de l'essentiel. Cela empêche aussi la
lassitude et la déliquescence du débat.
Ce cadre étant mis en place et respecté (d'abord par l'enseignant lui-même), les débats deviennent possibles et de plus en plus faciles à gérer. L'enseignant
peut évaluer la capacité des élèves à intervenir, à argumenter, ou
comme dans l'exemple ci-dessous, à résoudre des problèmes. La grille
d'observation qui suit est directement issue des "Documents
d'application des programmes". |
||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||
Ces
observations permettront de suivre les évolutions dans la durée. Elles
pourront être restituées aux élèves au moment de la rédaction des
carnets scolaires. Elles faciliteront l'écoute attentive du maître et son
indispensable discrétion. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||
Rémi
Castérès et Corinne Famelart |
à lire aussi |
Discussion |
|
Que dirais-tu du titre "débat d'interprétation" concernant la compréhension d'un texte écrit (littérature, actualité, philosophie...) ? Arlette S. (25
janvier 2004)
|
Cela exprime très bien l'idée. R.C. |
Je viens de lire avec attention tous les conseils donnés. Je suis plus qu'enthousiaste à l'idée de mener une telle activité dans ma classe. Mais je dois avouer que ce sont les sujets de débat qui me font défaut. Je suis ouverte à toutes suggestions notamment pour le débat philosophique. Emmanuelle L. (Brassempouy,
14 janvier 2005) |
Votre demande nous a permis de compléter cette page par un "à lire aussi". R.C. |