École publique de Saint-Didier-sous-Riverie

"Quoi de neuf ?"
au cycle 1

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Lorsque les enfants arrivent en classe, chaque matin, je les accueille, l’un après l’autre, avec l’intention d’établir une relation dont l’objet est précis : dans cet espace collectif que constitue la classe, chacun reste une personne, nul n’est fondu ou dilué dans le groupe, élément invisible caché dans la masse.

Leur tête est remplie des événements de la veille ou des jours précédents, moments joyeux ou déchirures lourdes à porter. Et c’est pour cela, qu’à l’occasion de ce qui constitue le premier moment de la journée, les enfants manifestent tant d’envie à me présenter un objet ou à m’informer d’un fait de la plus haute importance : une nouvelle barrette qui brille, une boîte à chaussures qui contient un trésor, le récit de la visite d’un château …

Je contemple les merveilles qui me sont présentées. J’écoute avec un intérêt sincère le récit des épopées de chacun. J’observe celle ou celui qui s’éloigne de moi pour présenter à d’autres enfants ce même objet, ce même récit. Il y a véritablement, dans ce processus d’échange, la manifestation d’un réel besoin de communication dont le fonctionnement de la classe doit naturellement permettre l’expression.

 

À ce titre, l’échange entre enfant et adulte, ou bien entre deux enfants, ne peut suffire. Il convient d’instaurer un cadre précis qui offre à tous la possibilité de répondre à ce besoin de communication. Dans ma classe, c’est le temps du « Quoi de neuf » qui propose ce cadre, grâce à une mise en place spécifique qui traduit mes intentions pédagogiques. Je résumerais celles-ci de la façon suivante :

1- Offrir à chaque enfant la possibilité d’utiliser un temps et un espace de parole où il se sente en sécurité (un espace « hors menace » pour reprendre l’expression de Jacques Lévine), à l’abri du jugement inhibiteur des autres. L’enfant apprend ainsi à maîtriser ses peurs éventuelles et à oser s’exprimer.

2- Instaurer un temps et un espace de parole qui soit le réceptacle des offrandes de vie faites au groupe. Les enfants qui prennent la parole ne se situent plus seulement dans un rapport de communication aux autres mais bien dans un rapport qui est de l’ordre du don. En retour, l’enfant reçoit du groupe un sentiment de valorisation qui contribue à renforcer son estime de soi.

3- Favoriser ou consolider la maîtrise de la langue, face à un groupe – ce qui est différent de la relation seul à seul – dans une situation langagière particulière. Ce processus s’élabore non seulement par l’usage habituel de la langue mais également par le contact des différents types d’expression utilisés et par le rodage des tournures récursives que les enfants s‘approprient.

4- Contribuer à faire de l’école un lieu qui soit rattaché à la vie de tous les jours. On peut raconter ses joies, ses désirs, ses peines. On peut demander de l’aide ou un soutien, directement ou indirectement. Ce n’est pas différent de ce qui se passe à la maison.

Pour passer des intentions pédagogiques au fonctionnement précis du cadre, j’ai tenté d’élaborer un déroulement facilement maîtrisable et suffisamment motivant pour que les enfants aient le désir de se l’approprier. En voici le descriptif précis :

  • Sur un meuble, en un lieu central de la classe et facilement accessibles par tous, sont accrochées les cartes individuelles des enfants où figurent leur photo et leur prénom. Symbolisant préalablement leur participation au groupe-classe, ces cartes servent aussi, dans un premier temps, à l’inscription aux ateliers autonomes du matin qui se déroulent durant le temps de l’accueil.

  • À la fin de l’accueil, juste avant le temps du premier regroupement de la journée, les enfants qui souhaitent participer au Quoi de neuf qui va suivre doivent s’inscrire à l’aide de cette même carte. Ce processus les oblige à penser, à anticiper leur projet, marquant du même coup leur désir de communication. Cette inscription préalable est obligatoire et nul ne peut y déroger s’il désire réellement participer au Quoi de neuf. Elle forge ainsi l’une des règles de fonctionnement de la classe – objet d‘une discussion reprise à chaque début d’année pour en expliciter le sens – sur laquelle les enfants peuvent s’appuyer pour construire leur environnement.

  • Lorsque nous sommes réunis, pour annoncer le Quoi de neuf, je frappe dans les mains trois fois en prononçant la formule rituelle : « Le Quoi de neuf est ouvert. »

  • Deux enfants parmi les responsables du Quoi de neuf – désignés selon un procédé particulier (voir les métiers de la classe ) – vont alors chercher respectivement les cartes des inscrits et la caisse où sont déposés tous les objets destinés à être présentés au groupe-classe. Le rôle de cette caisse est important : elle évite la dispersion des objets apportés, elle empêche qu’ils viennent perturber le bon déroulement du Quoi de neuf, elle est l’occasion de prévoir un responsable dont le métier est de redistribuer, en fin de journée, ces mêmes objets à leur propriétaire.

  • L’un de ces deux responsables compte alors les cartes puis les partage en deux paquets égaux qu’il distribue ensuite à deux autres enfants chargés d’appeler à tour de rôle les inscrits.

  • L’enfant qui distribue la parole lit le prénom ou reconnaît la photo qui est sur la carte puis la dépose sur la caisse placée au centre du groupe de façon à matérialiser la procédure.

  • Il doit essayer de parler à haute voix et de bien suivre le déroulement des interventions – ne pas laisser trop de temps entre la fin d’une intervention et l’appel d’un autre enfant – de façon à ne pas retarder le groupe. Au début de l’année, j’aide les plus hésitants. Rapidement, je n’interviens plus. Lorsqu’un certain laisser-aller pénalise trop le déroulement du Quoi de neuf, l’enfant responsable peut être déchargé de sa responsabilité. Il la récupérera lors de la séance suivante. Ce procédé sensibilise les enfants au sérieux de leur tâche et rend plus attentif l’ensemble du groupe. Chacun s’y retrouve.

  • À l’appel de leur nom, les enfants présentent alors un objet, un habit qu’ils portent, donnent une information les concernant ou concernant la classe… Quand une intervention nécessite un objet de la caisse, je soulève le couvercle et les enfants se servent. Quand ils ont terminé, cet objet est déposé sur le couvercle de la caisse, exposé aux regards de tous.

  • En fonction du nombre d’enfants inscrits, chaque intervention peut donner lieu à une question ou à un commentaire de l’auditoire. L’élève qui pose la question est alors choisi par celui qui intervient. Un même enfant ne peut poser de question ou apporter un commentaire plus d’une fois au cours du Quoi de neuf, afin de garantir une diversité d’intervention plus grande dans un laps de temps raisonnable.

  • Il peut arriver que le nombre d’inscrits soit trop important par rapport au temps imparti. Le Quoi de neuf est alors interrompu. Les enfants qui n’ont pu passer se voient dans l’obligation de différer leur intervention au lendemain. Ce processus n’est pas gênant. Tout d’abord, il confronte les enfants aux impératifs horaires et à la nécessaire obligation de la rigueur. En s’apercevant que, faute de temps, ils n’ont pu s’exprimer, leur attention, la fois suivante, sera plus aisée à mobiliser. Enfin, c’est une raison supplémentaire pour que l’emploi du temps de la classe soit respecté. Si l’on considère que ce qui y figure à une égale importance, un temps donné ne peut mordre sur un autre.

  • À la fin du Quoi de neuf, à nouveau je frappe trois fois dans les mains en indiquant : « Le Quoi de neuf est terminé. » L’enfant responsable des cartes les rassemble et les confie à Marie-Odile (ATSEM de la classe) qui est chargée de noter les enfants qui sont intervenus. Ces indications me serviront ensuite à évaluer le niveau de participation de chaque enfant. L’enfant responsable de la caisse, quant à lui, se charge de remettre les objets sortis dans la caisse, puis range celle-ci.

  • Il convient de noter que le Quoi de neuf n’a pas lieu le lundi. Ce jour-là, la distribution des métiers de la classe et la lecture des cahiers de vie – autres temps de vie et de communication au groupe qui correspond à un mode de fonctionnement différent – ne permettent pas d’assurer la mise en place du Quoi de neuf. Le regroupement collectif deviendrait alors trop long.

Je limite mes interventions à ce qui permet ou favorise le bon fonctionnement du Quoi de neuf : sensibiliser les enfants sur l’importance d’assurer à chaque membre de l’auditoire une bonne vision de l’objet présenté – il faut bien montrer à droite, puis à gauche –, solliciter les enfants, sans jamais insister, pour qu’ils précisent le sens d’un dessin ou la teneur d’un propos.

Mais je tiens cependant à insister tout particulièrement sur un aspect fondamental. À aucun moment je n’interviens sur ce que les enfants disent ou présentent. Je ne juge jamais du bien-fondé des interventions, à l’aune, en quelque sorte, d’un prétendu "mieux-disant culturel". Tout peut être dit, il n’y a pas de tri ou de sélection des informations, de ce qui serait intéressant et de ce qui ne le serait pas. L’attitude inverse relèverait d’une intrusion anormale dans la sphère de pensée des enfants et agirait comme un obstacle majeur à la communication. À ce titre, les effets en seraient catastrophiques.

Enfin, ce que j’observe du comportement des enfants, pendant le déroulement du Quoi de neuf au cours de l’année, est révélateur des effets que produit ce dispositif. Des enfants à l’aise pour s’exprimer, qui apprennent au fil du temps à préciser l’expression de leur pensée, à ceux qui n’osaient pas intervenir et qui peu à peu parviennent à prendre la parole, timidement puis avec davantage d’assurance, tout cela m’a conforté dans cette approche. Mais il faut accepter que les choses s’installent dans la durée. Il faut enfin et surtout croire en la vertu émancipatrice des processus qui engagent l’enfant dans la voie de la communication aux autres et non du repli sur soi.

Paul Psaltopoulos

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Discussion


Merci beaucoup pour votre description du fonctionnement du "quoi de neuf". J'ai mis en place le "quoi de neuf" en MS et j'ai été confrontée à plusieurs problèmes que vous évoquez. La gestion du temps, tous les enfants n'avaient pas le temps de prendre la parole ou le "quoi de neuf" était beaucoup trop long.
Les enfants pouvaient soit raconter un évènement, soit apporter un objet, soit montrer ce qu'ils avaient construit ou réalisé pendant l'accueil. Je pense m'inspirer de la gestion des objets, mais je tiens également à la démonstration de leur réalisation qui, elle, ne peut être reportée au lendemain étant donné qu'il faut ranger.

Les enfants présidaient à tour de rôle le "quoi de neuf". Très peu ont refusé au début, et j'observais, en dehors du cercle, et notais ainsi les enfants qui participaient et leur élocution, progrès, etc.

Le "quoi de neuf" est un moment extra pour permettre aux enfants de prendre de l'assurance et de s'exprimer sans inhibition. Je suis Ok avec vous, c'est un outil fabuleux.

Magde, enseignante MS

Rabat (Maroc)

(30 août 2005)


 

Je suis moniteur de ski avec des classes de neige. Je vais instaurer votre outil au début de mon cours sur les pistes, peut-être plus simplement, bien entendu, mais il permettra a l'enfant de s'exprimer devant les autres, certainement sur la vie avec ses camarades. C'est souvent la première fois qu'il quitte le cocon familial. Enfin, je verrai bien le contenu de leurs récits, mais c'est une excellente entrée en matière pour débuter une séance de sport et engendrer une complicité moniteur-élève.

Question : participez-vous au "quoi de neuf" pour raconter vos joies ou soucis ou autres ?

Arno

(16 novembre 2005)


La réponse à votre question est oui.
Il peut m'arriver d'intervenir pour indiquer un événement personnel en respectant les mêmes règles que les enfants (comme eux, je possède une carte avec mon prénom et ma photo).

P.P.

Je pratique le "quoi de neuf" dans ma classe et je crois que ce moment est un des plus riche de la journée. Une collègue semble séduite pour essayer. Je m'inspire de votre "frappé dans les mains" pour débuter. Il me manquait le petit rituel pour démarrer et terminer. Merci à vous de me l'avoir suggéré.

À la rentrée de février, je vais débuter l'atelier de philosophie. Le quoi de neuf est "récupéré" par mon double de classe (mi-temps). Une autre expérience démarrera donc.

Je voulais juste vous dire merci pour la piste offerte!

Evelyne

(30 janvier 2006)

 

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samedi 25 février 2006