École publique de Saint-Didier-sous-Riverie |
Le cadre au cycle 1 |
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Dans une classe, l’élément de réflexion à travailler en premier, est indiscutablement la mise au point du cadre. Un cadre qui soit en capacité d’être clair, rigoureux et motivant, capable également de maintenir le cap malgré la persistance des assauts dont il ne pourra manquer de faire l’objet. Mais
encore faut-il s’entendre préalablement sur ce qu’on nomme un cadre, sur la
façon dont il peut se construire et enfin sur la manière dont il convient de
le garantir. |
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La notion de cadre à l’école Le cadre scolaire peut-être efficacement décrit comme « un ensemble de règles, de limites, d’interdits, de normes, d’us et de coutumes, d’habitudes et de d’attitudes, prescrites aux enseignés par les enseignants et autres personnels de l’institution scolaire, afin de fournir un "conteneur" aux processus psychiques qui sont mis en jeu par la "tâche primaire" de l’institution, soit transmettre les savoirs et la Loi » ainsi que le propose Dominique Ginet, « un espace hors-menace » selon l’expression de Jacques Lévine. Il est donc à la fois "contenance", aptitude à maîtriser le désordre psychique interne des enfants, et agent facilitateur et régulateur des activités de la classe auxquelles il tient lieu de support et de référent. Il convient donc de travailler conjointement à l’élaboration du cadre "psychique" représentant de la Loi, et à celui des apprentissages. Les situations de bruit ou d’agitation parfois constatées dans les classes relèvent toutes des tentatives inconscientes du groupe-classe à "tester" la solidité et la fiabilité du premier – tant que les enfants ne seront pas suffisamment rassurés sur sa fermeté et sa résistance, ils continueront à le tester – ou du désœuvrement ambiant qui résulte d’un cadre pédagogique fragile ou défaillant, ou éventuellement des deux à la fois. Les enfants préoccupés par ce processus psychique inconscient – la recherche d’un manque – sont incapables de "se mettre au travail" et d’y trouver de l’intérêt. Par
conséquent, s’atteler en premier lieu à cette tâche, et pour cela
réfléchir au contenu de ce cadre, est de l’intérêt personnel et du devoir
de tout enseignant. |
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La construction du cadre 1. La mise en place d’un règlement de la classe L’élaboration d’un règlement de la classe, dès les premiers jours de l’année scolaire, est ainsi une priorité. Ce règlement va permettre de poser les premiers jalons de la loi qui servira de référence pour la vie de la classe, "un ensemble de règles, de limites, d’interdits, de normes, d’us et de coutumes" dont la particularité n’est pas seulement de reconnaître des droits et de distinguer des devoirs mais aussi de les bâtir avec ceux-là même que l’on éduque, objet autant que possible d’une action de co-élaboration et de contractualisation entre enseignant et élèves. Mais préalablement à la mise en place de ce règlement, l’enseignant doit absolument avoir éclairci à son niveau les points qu’il juge non négociables. L’ensemble des interdits fondamentaux – ceux qui s’imposent à tous, immanents à notre condition humaine – ou bien ce qui gène le fonctionnement de la classe, le déroulement des apprentissages ou la sécurité des enfants, ne se négocie pas. A titre d’exemple, exercer une forme quelconque de violence ou d’agression physique ou verbale est un interdit fondamental. Il ne se discute pas. A chaque occasion, il convient de le rappeler fermement et solennellement. Au cycle 1, il s’agit enfin d’adapter les procédures de construction du règlement à la particularité de sa classe. Plusieurs situations peuvent se présenter : • Avec une classe de Tout-petits, il est illusoire de penser bâtir un cadre concerté. Les enfants sont trop jeunes. Mais il demeure cependant primordial d’associer les élèves à son élaboration en posant les termes de son contenu de façon claire, en y faisant référence régulièrement de telle sorte que son existence soit inscrit dans la réalité de la classe. • Avec une classe de Petits, la situation en comparaison de la précédente peut n’être que peu différente, les enfants restant encore forts jeunes. Mais outre le fait que ce qui prévaut pour les Tout-petits l’est d’autant pour les Petits, la qualité de réflexion de ce groupe d’âge peut permettre de poser un ensemble de règles suffisamment solide et aider ainsi le reste du groupe-classe dans la formation de sa pensée. Qui plus est, bien sûr, quand le groupe d’élèves peut bénéficier des acquis de l’année précédente. • A partir de la classe de moyenne section, démarre véritablement un processus de co-élaboration réellement plus consistant. Les élèves de cette tranche d’âge ont pour beaucoup des capacités langagières et de réflexion qui permettent d’aller assez loin dans la construction d’un règlement de classe. Ils sont également capables de le transformer au fur et à mesure et savent y faire référence régulièrement. • Lorsque la classe a la chance de réunir plusieurs voire tous les niveaux du cycle 1, elle peut alors aisément s’appuyer sur les élèves les plus âgés pour aider les plus jeunes à rentrer dans une réflexion personnelle qui de surcroît profitera à l’ensemble du groupe. C’est un « plus » manifeste car, d’année en année, est transmise par le groupe restant une expérience extrêmement profitable. Concrètement, il est possible de démarrer l’élaboration du règlement de la classe en posant au groupe une question du type suivant : « D’après-vous, qu’est-ce qu'il est interdit / autorisé de faire à l’école ? » De ce questionnement et du débat qui s’en suivra découleront des réponses qu’il faudra noter et soumettre à la réflexion du groupe de façon à dégager celles qui lui paraissent pertinentes. Les points jugés non négociables seront alors indiqués. Mais le règlement de la classe ne s’élabore pas du jour au lendemain. Il est pour l’essentiel le fruit du vécu des enfants, des différends, des heurts, des conflits qui deviennent à la fois l’origine et le moyen de fixer le cadre et de faire avancer la réflexion collective. Il est dès lors très important de prévoir dans l’emploi du temps de la semaine un espace de parole où la classe, réunie en conseil, aura la possibilité de modifier, sur proposition d’un élève et après validation du groupe, tel ou tel point négociable du règlement. Ainsi, tout au long de l’année, s’élaborera un processus qui permettra à la classe d’engager un travail de réflexion commun constituant et renforçant l’image du groupe – le moi-groupal de Jacques Lévine – tout en aidant l’enseignant à régler les litiges récurrents entre élèves. Voici, à titre d’exemple, ce que les élèves du cycle 1 de ma classe ont élaboré au cours de l’année. En gras sont indiqués les points non négociables, en maigre ce qui a été proposé et validé par le groupe (sans indication des modifications successives) : |
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En concertation avec les élèves, il faut prévoir également les sanctions en cas de non respect du règlement. Ces dernières acquièrent ainsi du sens par ce lien qui les rattachent à une décision collective. Il faut aussi veiller à ce qu’elles soient adaptées à l’âge des élèves et appliquées selon une procédure très rigoureuse et très précise. Il sera utile à cet égard de consulter sur notre site l’article de ma collègue, Corinne Famelart, sur la notion du cadre au cycle 2. Toute l’école applique les mêmes principes. Cette année, pour le cycle 1, la sanction prévue exigeait de l’élève concerné qu’il reste 2 minutes à l’écart du groupe (sur une chaise en classe, sur le muret de la cour en récréation). 2. L’organisation des temps d’apprentissage de la classe La qualité du cadre des activités de la classe a un impact direct et évident sur le comportement des enfants. Une organisation floue ou changeante sur laquelle l’enseignant ne s’appuie pas régulièrement sera d’autant plus source de stress que l’enfant est jeune. Pour les activités d’apprentissage, la mise en place de groupes de travail est intéressante. Mais pour que les enfants s’investissent dans l’activité, il faut que les groupes aient été constitués sur la base d’un choix clair et si possible motivant. Au-delà de la préparation matérielle qui ne doit pas connaître de failles, pour chaque activité, il faut se poser les questions suivantes : « Quel est mon objectif d’apprentissage ? Quelle motivation ou quel intérêt les élèves vont avoir à s’investir dans l’activité ? » C’est un très gros travail préparatoire qui nécessite vraiment de se mettre à la place des élèves lorsqu’on prépare sa séquence. Prévoir
un cadre de fonctionnement cohérent qui prenne en charge la succession des
événements récurrents est également une autre urgence. A ce propos, je me
permets également de renvoyer le lecteur sur les différents chapitres du site
qui traitent du cycle 1 : le tableau des
ateliers, les métiers de la classe, le
Quoi de neuf, le bilan de la journée. Ils
permettent d’avoir une idée plus précise de ce qu’il est possible d’instaurer
comme éléments d’un cadre pédagogique structurant. |
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La garantie du cadre S’il est un point que j’ai souvent constaté dans mes discussions avec les stagiaires passant à l’école, c’est l’image déformée que beaucoup ont de l’élève du cycle 1. Ils l’imaginent forcément gentil, fragile et craignent en se montrant trop strict ou trop sévère de le perturber. Le risque encouru avec ce regard déformé, c’est la mise en place d’un cadre mou, non contenant, fluctuant au gré des situations. De fait, à agir ainsi dans une classe, le bruit et l’agitation font très rapidement leur apparition et deviennent vite incontrôlables. La garantie du cadre est donc un point très important. Il faut absolument être en mesure de l’assurer avec fermeté et, le cas échéant, d’appliquer sans état d’âme, les sanctions prévues par le règlement de la classe. D’une manière générale, une sanction qui s’appuie sur une décision collective est bien mieux acceptée car mieux comprise. Mais cette dernière doit toujours faire l’objet d’un espace de parole préalable qui rappelle l’interdit et relie la sanction à la transgression de façon à éviter qu’elle apparaisse comme une vengeance. Il
ne faut pas hésiter non plus à se servir de codes pour rythmer le début et la
fin des activités. En classe, par exemple, j’utilise le code suivant :
avant chaque activité, je frappe deux fois dans les mains pour indiquer qu’il
faut commencer à se préparer à rentrer dans l’activité, puis trois fois
pour indiquer que l’activité commence. Ce système est très efficace et
permet d’avoir un groupe prêt très rapidement. Les enfants perçoivent ainsi
bien mieux les différents temps de la journée. Pour les enseignants, c’est l’occasion
de n’avoir pas à utiliser la voix. Nous sommes d’autant mieux écoutés.
Dans l’école, toutes les classes utilisent à peu près le même code. |
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L’organisation matérielle de la classe Les enfants du cycle 1, et notamment les Tout-petits, ont vraiment besoin d’explorer le milieu, de toucher, de manipuler. Il est donc important de privilégier des coins permettant ces activités afin de multiplier les expériences et les découvertes. Pour créer ces espaces, il faut bien sûr un minimum de mobilier. En fonction du matériel dont on dispose, on peut essayer de prévoir un coin cuisine, un coin lecture, un coin animaux, un coin bricolage… Ensuite, l’utilisation de ces coins dépend de l’organisation prévue pour la journée. L’agitation parfois constatée est alors souvent en lien avec les consignes données et leur application. Cela nous renvoie au chapitre précédent sur le principe de fermeté. En ce qui concerne les tables de travail, il vaut mieux prévoir des groupes de tables d’environ six élèves répartis dans la classe. Pourquoi ne pas proposer aux élèves de donner à ces tables des noms de couleurs, d’animaux, de fleurs… ? A chaque table peut être affecté un groupe d’élèves, les groupes étant constitués par les enfants eux-mêmes en début d‘année. Cela facilite grandement la mise en place des activités. Paul
Psaltopoulos |
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