École publique de Saint-Didier-sous-Riverie

La lecture au cycle 3

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La lecture... C'est une question si cruciale que je ne sais par où commencer. Ce mot, "lecture", apparaît quatre-vingt-cinq fois dans la partie des programmes consacrée au cycle 3. Alors que le cycle 2 est déjà consacré à l'accès à la lecture et à l'écriture, c'est dire si cela reste important au cycle suivant.

Alors, je vais commencer par une anecdote. Le jeudi 13 juin 2002, mes élèves de CM2 visitaient le collège Saint-Thomas d'Aquin. Ils étaient cinq : Anne-Claire, Charlotte, Dylan, Florian et Léa, répartis en deux groupes. Pendant qu'un groupe participait à une séance d'arts plastiques, l'autre découvrait le centre de documentation où c'était l'occasion d'une discussion avec les élèves d'une classe de sixième. Puis les deux groupes permutèrent.

 

Vous pouvez  télécharger les programmes du cycle 3 :
- en version zippée si vous n'avez qu'un accès normal ;
- en version non compressée si vous disposez d'un accès rapide (ou si vous ne savez pas dézipper un fichier...)

 

Je suis resté dans le centre de documentation et voici à quoi j'ai assisté. Quand le professeur leur demanda quel livre ils étaient en train de lire, mes élèves purent donner chacun un ou plusieurs titres et raconter clairement de quoi ils parlaient. Quand le professeur demanda : « Qui aime lire ? », quatre de mes élèves levèrent la main, ainsi que quelques collégiens. Quand le professeur - à ce moment-là, assez déstabilisé - poursuivit en demandant : « Qui n'aime pas lire ? », aucun des CM2 ne leva la main (le cinquième s'était fort raisonnablement situé entre les deux options), mais une forêt de mains se levait chez les collégiens.


Qui n'aime pas lire ? Des collégiennes lèvent les deux bras, au grand étonnement de l'élève du CM2.

Ensuite, les élèves purent vaquer librement à leurs occupations. Bon nombre de collégiens se mirent à un devoir d'anglais. Des garçons feuilletèrent des bédés, des filles choisirent des livres. Je remarquai un groupe de filles restant sagement assises, immobiles, les bras croisés. Après cinq bonnes minutes, je m'approchai de l'une d'elles et lui demandai à voix basse :

- Puis-je te poser une question ?

(Étonnée) - Oui.

- Penses-tu que tu es une bonne élève ?

(Paniquée) - Je ne sais pas... Il faudrait demander à mes profs...

- Je vais t'expliquer pourquoi je te pose cette question. Tout à l'heure, quand ton professeur a demandé : « Qui n'aime pas lire ? », tu as levé les deux bras. Depuis un moment, tu attends sagement alors que tu pourrais lire. Alors, moi, je me suis demandé : « Est-ce que quelqu'un qui n'aime pas lire peut être un bon élève ? »

(Elle et ses copines, qui n'en perdaient pas une miette) - Bien sûr ! - Ça n'a rien à voir ! - On est des bonnes élèves et on n'aime pas lire !

 

Qu'est-ce que je veux montrer en racontant cette anecdote ?

D'abord, que la pratique de la lecture est en recul chez les jeunes, même dans les quartiers favorisés. Il suffit d'ailleurs d'observer autour de soi pour s'en convaincre.

Ensuite, que ce recul n'est pas une fatalité. Dans notre école, nous formons de bons lecteurs ; mais ce sont aussi des lecteurs qui aiment lire.

Je ne m'étendrai pas longtemps sur le recul de la lecture. Juste quelques points qui sont, pour moi, saillants :

• En France, une forte pression est exercée sur les enfants pour qu'ils apprennent à lire à l'âge de six ans. À cet âge, seule une minorité en est intellectuellement capable. Les autres apprennent la technique, par conformisme, mais n'accèdent pas à une lecture vraie.

• Un grand nombre d'enfants ont de grosses difficultés pour "entrer dans la lecture". Cela n'a pas de sens pour eux. Les parents se rassurent en médicalisant le problème et les enfants bénéficient ainsi de cours particuliers sous couvert d'orthophonie.

• Pour la plupart des familles, la maîtrise de la lecture dès le CP est la garantie d'un futur statut social. Elle n'est pas pensée comme une clé d'accès à la culture.

• À la fin de l'école primaire et au collège, beaucoup d'enfants ont atteint des compétences techniques satisfaisantes. Mais ils ne considèrent pas la lecture comme un moyen d'accès au monde, pour comprendre le monde et pour se comprendre eux-mêmes. La lecture, c'est ce qui se pratique à l'école et ce dont on aura besoin dans le monde professionnel ; mais la vraie vie serait ailleurs.

Je ne saurais me satisfaire de former de bons techniciens de la lecture. Je veux aussi former des enfants pour qui la lecture est un plaisir et un moyen d'accès au monde. Des enfants pour qui la vie et l'école, le plaisir et le travail, sont intimement liés.

Je vais indiquer ici une liste non exhaustive des moyens qui me permettent d'atteindre, dans une large mesure, cet objectif .

1. Au niveau le plus élémentaire, celui du codage, l'apprentissage se poursuit par le biais de l'orthographe. Exemples : Quand écrit-on "é" ou "è" ? Dans quels cas les consonnes sont-elles doublées ? 

2. Les grilles de mots croisés nécessitent une compréhension fine des définitions et, là encore, une grande attention à l'orthographe.

3. La chasse aux mots dans le dictionnaire.

4. La lecture sélective. Tous les élèves disposent d'un document dont ils prennent connaissance librement pendant cinq minutes. Il s'agit ensuite de répondre par écrit, en temps limité, à cinq questions.

Voici un exemple. Le document distribué est "Ciné filou". Les questions que je pose sont :

Combien de temps dure le film “un louveteau parmi les hommes” ?

En quelle année a été réalisé le film “Charlot boxeur” ?

Quel est le prix d’entrée pour voir un film ?

Quel film peux-tu voir à Mornant le mardi 30 octobre, à 17 heures ?

Quel film aimerais-tu voir parmi tous ceux qui te sont proposés ?

La correction se fait par un débat argumenté.

5. Le journal scolaire lie intimement écriture et lecture et chaque numéro est accueilli avec joie. Ce qui lui permet de jouer ce rôle, c'est une parution très fréquente (20 numéros en 2002-2003).

6. L'abonnement au journal "Les clés de l'actualité junior". Cet abonnement est choisi par les élèves eux-mêmes en Conseil de coopérative. Quand un nouveau numéro arrive, je présente le sommaire. L'élève qui sera le premier à le lire est tiré au sort parmi les volontaires. À charge pour lui de parler, le lendemain, de l'article qu'il a préféré.

7. Le théâtre est extrêmement impliquant. Il nécessite une lecture particulièrement fine de la ponctuation.

8. La correspondance scolaire lie totalement les activités de lecture et d'écriture à la vie réelle des enfants. Dans le cas de l'échange scolaire, vivre, ça commence par lire et écrire !

9. La présentation d'un livre est une activité très facile à mettre en place et très impliquante. Imaginez que vous ayez à présenter un livre lors du prochain Conseil d'école ou lors de votre prochaine concertation pédagogique. C'est une tâche qu'on ne peut pas traiter à la légère ! Il ne s'agit pas de répondre à des questions dont les réponses seraient déjà connues par l'évaluateur. Ce qui fait la réussite, ce sont les applaudissements et les commentaires des auditeurs. Réussir la présentation, c'est obtenir de la reconnaissance de la part des autres grâce à une activité de lecture. Ça nous éloigne un peu de la reconnaissance grâce à la marque des baskets...

10. La bibliothèque de classe compte un millier de livres - dont trop sont malheureusement empilés faute de place. Chaque année, je privilégie l'achat de livres variés sur celui des manuels scolaires.

11. L'évaluation est cohérente avec ce qui vient d'être indiqué. Elle porte sur la capacité à déchiffrer le code, sur la compréhension et sur la capacité à communiquer.

Ce travail en lecture au cycle 3 poursuit logiquement ce qui se fait dans les deux cycles précédents.

Paul Psaltopoulos sait montrer, avec beaucoup de doigté, à des élèves de cycle 1 toute l'importance et toute l'utilité des écrits, sans qu'il y ait le moindre esprit de "bachotage". Un jour, mes élèves ont écrit à Paul pour lui demander s'il était possible d'interviewer deux de ses élèves à propos du jardin. Dans la demi-journée qui a suivi, nous avons reçu la réponse des enfants sous la forme d'une affichette. Ainsi, dès la Moyenne Section, ces élèves considèrent l'écrit comme un moyen normal de communication.

Au cycle 2, après Jacques Pichon, Corinne Famelart amène sereinement ses élèves à être de vrais lecteurs. Il n'y a pas de couperet au CP. Telle élève qui est prête peut lire couramment dès la Grande Section. Pour d'autres, on attendra sans impatience le CE1.

C'est qu'il ne s'agit pas d'aller vite : il s'agit d'aller loin, de privilégier le développement à long terme. J'ai commencé par une anecdote, je termine par une autre, très personnelle.

Mon fils, qui est de la fin de l'année, a mis longtemps à apprendre à lire. Il était sollicité, à l'école comme à la maison (il disposait d'une bibliothèque dans sa chambre), mais il n'était pas bousculé. Voici l'évolution de ses lectures personnelles.

En début de CE2, il lisait et relisait les livrets de la série "Madame" et "Monsieur". En fin d'année, il avait lu tout "Boule et Bill".

En CM1, il est passé aux albums de Titeuf et à Harry Potter. En CM2, il a lu "La croisée des mondes", "Le livre des étoiles", la série "Darren Shan". Dernier livre : "La ferme des animaux" de George Orwell.

Rémi Castérès

 


Discussion


J'aimerais vous demander, monsieur, les objectifs qui vous semblent essentiels à travailler en lecture (en classe de CE2). Quelles sont les bases de la lecture ? Quelles sont les conditions pour un bon travail de groupe ?

Nicolas Marcou

(3 décembre 2003)

Vos questions sont vastes… Je vais essayer d’y répondre de la façon la plus succincte, ce qui nous conduira à l’essentiel.

1.  Ce qui me semble essentiel à travailler en lecture en CE2, c’est le désir de lire — autrement dit, l’accès au monde. "Pas une minute ne doit être soustraite des enseignements qui donnent à chacun une solide culture sous prétexte que certains élèves ne lisent pas comme ils le devraient ou ont des difficultés d'écriture" disent les programmes pour le cycle 3.

2.  Au CE2, la base de la lecture, c’est le désir de lire. Ou plutôt, c’est le désir que vous avez pour vos élèves et qui nourrira le désir de ces derniers. Une fois que vous éliminez ce que vous faites pour faire plaisir aux parents, pour complaire à vos collègues, pour satisfaire les demandes que vous croyez être celles de votre inspecteur, il reste le désir que vous avez pour vos élèves. Qu’en est-il de ce désir ? Que voulez-vous leur transmettre ?

3.  La condition essentielle pour un bon travail de groupe, c’est la capacité de l’enseignant à percevoir quand le travail en groupe est plus efficace que le travail individuel. Les autres conditions sont détaillées à la page http://ecole.saint.didier.free.fr/debat.htm.

R.C.

 

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mercredi 15 février 2006